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« Poésie du rail », « nuit d’hôtel économisé », empreinte carbone allégée… Pourquoi le retour du train de nuit vous enchante

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Déc 11, 2021

« Venise, Florence, Rome… Quel bonheur d’embarquer à Paris vers 18h, de dîner romantiquement en prenant tout son temps, puis d’aller dormir et de se réveiller en Italie », raconte Valérie, grande utilisatrice des trains de nuit « lorsqu’ils existaient ». « Et que dire de l’arrivée à Venise ?, surenchérit Anne-Marie. La gare donne directement sur le grand Canal. Un rêve éveillé après la nuit passée dans le train. »

Il n’y a pas qu’à destination de l’Italie que les souvenirs en train de nuit remontent. Le Paris-Madrid aussi revient à de nombreuses reprises dans les témoignages des internautesayant répondu à notre appel à contribution. « Le mythique train-hôtel Talgo », glisse Antonio. « J’y ai des souvenirs extraordinaires, lance Jef. Depuis mon enfance
jusqu’à l’arrêt de la ligne [en 2013], j’ai voyagé pendant trente ans dans ce train. »

Des voyages qui s’écrivent bien souvent au passé

Pour d’autres, les trains de nuit sont synonymes d’escapades à Berlin, Copenhague, Barcelone, Lisbonne en partant d’Hendaye, Strasbourg depuis Marseille… Sans parler des destinations ski. Francis dit ainsi avoir pris régulièrement le Bordeaux-Lyon pour aller skier dans les Alpes. « Un régal, on arrivait bien reposé et prêt à dévaler les pistes », se souvient-il. Catherine, elle, partait de Gare de Lyon la veille au soir pour arrivée dans la vallée au petit matin.

Si ces témoignages s’écrivent le plus souvent au passé, c’est bien que le réseau de trains de nuit ait été réduit à la portion congrue ces dernières années, frappé de plein fouet par l’avènement du train à grande vitesse et des vols low cost. Nicolas Forien, du collectif « Oui au train de nuit », ne compte plus qu’une poignée de lignes au départ ou à destination de la France. « Paris-Briançon (Hautes-Alpes), Paris-Rodez, Paris-Toulouse avec des bifurcations vers Latour de Carol ou Port-Bou, et le
Paris-Nice relancé en mai », liste-t-il. Il y avait bien toujours des Paris-Venise jusqu’à cet été. Mais l’opérateur privé Thello a mis depuis la ligne en sommeil. « C’est le cas aussi, toujours dans ce contexte de crise sanitaire, du Hendaye-Lisbonne, du Paris-Moscou ou du Nice-Moscou », reprend Nicolas Forien, sans trop savoir si ces lignes seront remises en route.

Un Paris-Vienne à partir de ce lundi

Il y a tout de même des bonnes nouvelles. A compter de ce dimanche, la SNCF remet sur les rails un train de nuit Paris-Tarbes via Lourdes. Surtout, ce lundi marque
le lancement du Paris-Vienne, fruit d’un partenariat entre la compagnie française et
l’autrichienne ÖBB. Celle-là même qui
a fait le pari de relancer le train de nuit en Europe Centrale, en reprenant notamment, en octobre 2016, la moitié des liaisons nocturnes de la Deutsche Bahn. Avec un joli succès à la clé. « Avant la crise sanitaire, nous en étions arrivés à 1,5 million de passagers transportés par an sur nos nightjets, précise à 20 Minutes Bernhard Rieder, porte-parole d’ÖBB. Avec des lignes à fort succès comme le Zurich-Hambourg ou le Munich-Rome. »

Paris-Vienne pourrait en faire partie à l’avenir. OBB proposera trois liaisons par semaine dans les deux sens, avec des stops à Strasbourg, Munich et Salzbourg. Comptez quatorze heures de trajet pour rejoindre les deux capitales. « Les premiers trains sont pleins, et s’il reste encore des places aux vacances de Noël, les réservations vont bon train », assure Bernhard Rieder. David, François, Valérie, Béatrice, Jean-Pierre… Parmi nos internautes, plusieurs prévoient d’embarquer rapidement. « Dès ce printemps », indique Béatrice. « En attendant Berlin avec impatience », glisse Valérie.

« Enfin » un retour du train de nuit ?

Le retour du Paris-Berlin, ligne iconique, est effectivement annoncé pour fin 2023. « De même qu’un Zurich-Barcelone en 2024, qui pourrait prévoir des arrêts en France », rappelle Nicolas Orien. Surtout, le porte-parole de « Oui au train de nuit » renvoie au rapport de mai dernier du gouvernement français sur la relance des trains de nuit. « Il propose de créer un réseau de vingt lignes nationales ainsi que cinq lignes à destination de l’Europe (Madrid, Florence, Rome, Hambourg, Copenhague), rappelle-t-il. Le tout en investissant près de 1,5 milliard d’euros dans du matériel neuf. »

De quoi marquer résolument le retour du train de nuit en France ? « Enfin ! », disent là encore plusieurs de nos internautes. Cette perspective de délaisser l’avion pour bourlinguer de façon plus écologique revient dans nombre de témoignages. Mais il y a aussi cette « poésie du rail » qu’évoque Emmanuel, septuagénaire. L’enchantement du « slow travel », vante Benoît, c’est-à-dire « cette volonté de prendre le temps de voyager, de voir même le trajet en train comme faisant partie du voyage », détaille Céline.

Dépoussiérer les trains de nuit

Mais le train de nuit est aussi vu comme une option pratique et économique. « Avec le gain de temps et d’argent, par rapport à l’avion, d’aller de centre-ville à centre-ville », pointent Simon et Anne-Lise. « En évitant le stress des aéroports », confirme Elisabeth. Le grand intérêt, surtout, est de mettre à profit la nuit pour voyager. « Ce qui permet de gagner une nuit d’hôtel », soulignent Fabrice et Claude. Et, à condition d’avoir bien dormi, de commencer frais sa première journée de vacances. Pas que des « vacances » d’ailleurs, rappelle Fabrice, qui a fait Toulouse-Paris en train couchette cet automne pour son travail. « On dort moins bien que dans un lit, mais c’est quand même reposant, raconte-t-il. J’ai tenu le lendemain jusqu’à 22h sans problème. »

La demande de confort revient avec insistance comme condition pour réembarquer dans les trains de nuit. Nicolas Forien attend beaucoup des « nightjet » d’OBB sur ce point. « Si quelques lignes ont été rouvertes en France, c’est pour l’instant avec de vieux wagons à peine repeints, regrette-t-il. Les nightjets, eux, sont des trains modernes qui offrent toute la gamme du confort, du siège inclinable (à partir de 29 euros) à la cabine privative (à partir de 89,90 euros la cabine standard), en passant par les compartiments couchettes (à partir de 59,90 euros). » Il y a des douches pour chaque voiture et même pour chaque cabine privative. Et le petit-déj peut faire partie de la formule. A priori de quoi répondre aux attentes de Débora, qui demande « un service hôtelier, avec cabines communicantes pour les familles de quatre et des toilettes dans les cabines ». Les compartiments couchettes sont non-mixtes, précisent aussi OBB et la SNCF sur Internet. Un point qui compte pour Karine, qui ne reprendra les trains de nuit « que s’ils proposent des wagons réservés aux femmes ».

L’offre comme premier levier à restaurer

Forcément, le prix aussi est un critère déterminant. « Le prix en couchette simple doit rester abordable pour permettre à toutes classes sociales de pouvoir en bénéficier », insiste Nicole. « Moins cher que l’avion si on veut que cette alternative écologique soit réellement prise », demande Timo. Mais avant tout de chose, il y a un autre frein à lever pour espérer un réel redémarrage des trains de nuit, et sur lequel revient Nicolas Forien. « Celui de l’offre, tout simplement, explique-t-il. Depuis Vienne, on peut aller quasiment n’importe où en Europe en train de nuit aujourd’hui. En France, on repart quasi de zéro. »

En clair, ce qui manque, ce sont des trains de nuit et des gares desservies. Sur ce point, le Paris-Vienne nourrit déjà quelques regrets. Paul et Hayelaar déplorent ainsi que la ligne ne prévoit aucun arrêt entre Paris et Strasbourg, « quand il y en a sept de Munich à Vienne », calcule ce dernier. Plusieurs internautes invitent également à ne pas songer seulement aux capitales. « Il n’y a pas que Paris dans la vie », s’emporte Fanny, qui demande à ce que « des trains de nuit partent aussi des grandes villes de province ». Simon en fait même la priorité du futur réseau : « connecter toutes les villes (universitaires surtout mais pas que) au lieu de relier les capitales ».

Cet enjeu semble être pris en compte dans le rapport du gouvernement de mai dernier. Les vingt lignes nationales projetées l’étaient le long de corridors, parmi lesquels Dijon-Marseille, Bordeaux-Marseille et Tours-Lyon.

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