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Couches, vêtements, téléviseur… Dès le 1er janvier, la destruction des invendus non-alimentaires sera interdite

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Déc 10, 2021

Depuis 2016, la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire interdit aux distributeurs de rendre impropres à la consommation leurs invendus alimentaires. Typiquement en les arrosant d’eau de javel, une pratique régulièrement dénoncée sur les réseaux sociaux. A compter du 1er janvier 2022, les invendus non-alimentaires seront logés à la même enseigne. « Du moins ceux des secteurs qui étaient déjà couverts par une
filière à responsabilité élargie du producteur (REP) avant février 2020 et la promulgation de
la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), précise Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de
l’ONG Zero Waste. C’est le cas de l’habillement et des produits électriques et électroniques. » Le ministère de la transition écologique ajoute « les piles, les meubles, les cartouches d’encre, les produits d’éveils et de loisirs, les livres et fournitures scolaires, mais aussi les produits d’hygiène et de puériculture ».

Pour tous ces secteurs, les producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits qui n’ont pas trouvé d’acheteurs ne pourront plus les mettre en décharge ou les incinérer, mais les donner, les ré-employer et, en dernier recours, les recycler.

« Un gaspillage qui choque »

La mesure vise à mettre fin à « un gaspillage qui choque », pour reprendre les mots d’Edouard Philippe en juin 2019. Quelques mois plutôt,
le magazine Capital, diffusé par M6, avait montré comment Amazon détruisait ses invendus qui n’ont pas trouvé preneur.
Soit plus de 3,2 millions d’articles en 2018 sur l’ensemble de ses entrepôts en France, indiquait le reportage en citant des sources syndicales. Le Premier ministre de l’époque annonçait alors la volonté du gouvernement de faire de cette interdiction de destruction une mesure phare de la loi Agec. Barbara Pompili devrait le redire ce vendredi matin lors d’un déplacement en Essonne, chez
Dons Solidaires, une association qui met déjà en relation des entreprises qui donnent leurs invendus et des acteurs de l
’Economie sociale et solidaire (ESS).

Pour Alice Elfassi, cette destruction des invendus non-alimentaires fait effectivement partie de mesures qui pourraient avoir un fort impact parmi toutes celles qu’introduit la loi Agec pour « sortir la France du tout jetable »*. « Notamment auprès du grand public pour qui ces destructions d’objets neufs passent de plus en plus mal », observe-t-elle. Un dernier exemple en date, même si aux Etats-Unis, est celui de la marque de luxe Coach mise à l’amende, dans une vidéo devenue virale, par
Anna Sacks. L’influenceuse écologiste américaine montrait des sacs à main invendus du maroquinier jetés à la poubelle après avoir été volontairement déchirés pour s’assurer qu’ils ne puissent pas être réutilisés et ainsi évité d’être fiscalement taxé. « Nous sommes régulièrement alertés, par des vidéos et photos, de destructions similaires à Zéro Waste France », assure Alice Elfassi, en rappelant que l’enjeu n’est pas toujours, d’échapper aux taxes. « Mais bien plus, notamment pour des marques de luxe, d’éviter que leurs produits neufs dans des circuits de réemploi, type Emmaüs, ce qui dégraderait leur image à leurs yeux », déplore la responsable des affaires juridiques de l’ONG Zero Waste.

4,3 milliards d’euros de produits non-alimentaires invendus en 2019

Si cette interdiction de destruction des invendus non-alimentaires est une mesure qui compte, c’est aussi parce qu’elle s’attaque à un gaspillage loin d’être anecdotique en volume. Le ministère de la transition écologique renvoie vers l’étude de l’Ademe du 26 novembre dernier sur le gisement que représentent ces invendus non-alimentaires. Celle-ci évalue à 4,3 milliards d’euros, la valeur marchande des invendus en sortie de magasin et d’usine en 2019 en France. Le tiers provient du secteur des vêtements et chaussures avec 1,6 milliard d’euros.

Que deviennent ces invendus ? Le principal débouché est le déstockage qui permet d’écouler 42 % de ces invendus, évalue l’Ademe. Viennent ensuite le recyclage (27 %) et le don (21 %). Tout de même, 7 % du gisement est détruit, « soit l’équivalent de 300 millions d’euros de produits en valeur marchande, insiste-t-on au ministère de la Transition écologique. C’est une aberration sociale, mais aussi écologique, la destruction de ces invendus émettant jusqu’à vingt fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que leur réutilisation. »

A compter du 1er janvier, la loi Agec enlève donc cette quatrième option dans la palette des solutions aux mains des producteurs, importateurs et distributeurs pour gérer leurs invendus. « Mais, elle rappelle aussi la nécessité de respecter la hiérachie des modes de traitements établie par le code de l’environnement, salue Alice Elfassi. Dans l’ordre, le réemploi, la réutilisation et seulement ensuite le recyclage qui doit être effectivement la dernière option. Les filières de recyclage balbutient encore dans de nombreux secteurs, notamment dans le textile, l’électrique ou l’électronique, si bien que ces invendus seront redirigés vers les solutions « classiques » d’éliminations que sont la mise en décharge ou l’incinération. » La loi Agec prévoit aussi, dès le 1er janvier que les produits invendus d’hygiène (savon, shampoings, lessive, déodorants…) et de puériculture (couches, lingettes) devront faire prioritairement l’objet d’un don, ajoute-t-on au ministère de la Transition écologique.

« Pousser les entreprises à réduire la part d’invendus »

Reste à savoir si cette palette de solutions suffira à trouver une porte de sortie à l’ensemble des invendus jusque-là détruits. Ces options ne sont peut-être pas toutes déjà connues à écouter Alice Elfassi. « L’interdiction des invendus alimentaires, à partir de 2016, a accéléré le développement de start-up [Phenix,
Too Good To Go,Smartway (ex-Zéro Gâchis…)] aidant les acteurs de la grande distribution à réduire le gaspillage », rappelle-t-elle, en espérant donc qu’il en soit de même avec les invendus non-alimentaires. « L’enjeu de cette mesure est de pousser les entreprises à réduire la part de leurs invendus, insiste-t-on également dans l’entourage de Barbara Pompili. Plutôt que détruire, solution souvent la plus facile, ils devront désormais s’orienter vers des solutions de traitement plus complexes à mettre en œuvre ou qui ne vont pas dans le sens de leurs stratégies de marketing. » Et si elles ne changent en rien leurs habitudes, s’exposeront à des amendes de 15.000 euros pour chaque manquement constaté, met-on en garde au ministère de la transition écologique, en précisant que la sanction sera applicable dès le 1er janvier.

Alice Elfassi émet tout de même un regret avec cette mesure Agec telle qu’elle sera appliquée. « Celui de ne pas couvrir d’emblée tous les secteurs qui génèrent des invendus, lance-t-elle. Pour les jouets, par exemple, l’interdiction de destruction des invendus ne s’appliquera qu’à partir de décembre 2023. Un délai qui ne nous semble pas justifié. »

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