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Jacky Rigaux et le vin aujourd’hui

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Déc 11, 2021


Jacky Rigaux, auteur, expert en dégustation géosensorielle et fin connaisseur de la Bourgogne, faisait paraître récemment Le monde du vin aujourd’hui (éditions Terre en Vues). Le Devoir l’a joint pour parler de cet ouvrage essentiel pour qui veut prendre le pouls actuel du vin, appuyé sur une analyse personnelle, documentée et bien sentie. Propos recueillis par notre collaborateur Jean Aubry.

Tout d’abord, pourriez-vous définir la pratique à laquelle se rapporte votre titre d’expert en dégustation géosensorielle ?

La dégustation géosensorielle, c’est le retour à la dégustation des gourmets d’antan, chargés de s’assurer que les vins dont la provenance était écrite sur le tonneau étaient sincères, exprimaient bien le message gustatif de leur lieu de naissance. Ils étaient des experts en géosensorialité ! Les gourmets étaient des dégustateurs professionnels qui se sont imposés dès le XIIe siècle, quand le commerce du vin est redevenu aussi important que pendant l’Antiquité. Ils étaient organisés en de puissantes corporations jusqu’à la Révolution française.

Comme toutes les corporations, celle des « courtiers, gourmets, piqueurs de vin » fut abolie. Ils furent oubliés au XIXe siècle, mais heureusement Jules Lavalle en a gardé la mémoire dans son livre écrit en 1855. Pour le dire plus succinctement, par la dégustation géosensorielle, le dégustateur recherche la signature originale du lieu par une attention à la consistance, à la souplesse (flexibilité de la consistance), à la vivacité, à la viscosité, à la texture, à la persistance aromatique. Le tout générant une forme du vin, signature de son terroir. C’est la quête de l’origine plus que de la typicité et de la qualité. Bien sûr, si le vin n’est pas ressenti comme bon, on s’interrogera sur la cause, qui relève de la façon dont il a été fait (problème de vinification, d’élevage, d’embouteillage, etc.).

Le monde du vin d’aujourd’hui est-il plus intéressant, plus diversifié, plus qualitatif que celui d’hier ou est-ce que c’était meilleur avant ?

Le monde du vin aujourd’hui est beaucoup plus vaste que celui d’hier, avec l’arrivée massive des vins dits du « Nouveau Monde », emmenés par la Californie et l’Australie dans le dernier quart du XXe siècle. L’Australie affichait fièrement le développement d’une industrie du vin, soutenu par l’État. En septembre 2001, le Businessweek affichait comme titre « Wine War. How American and Australian wines are stomping the French ». Le monde du vin ne pouvait plus être comme celui d’avant.

Votre livre semble arriver à point, dans un monde qui change, sur le plan des bouleversements climatiques ou sur celui des tendances. Le milieu du vin n’y échappe pas. Êtes-vous optimiste pour la suite des choses ?

Oui ! Il y a des raisons d’être optimiste aujourd’hui. Les médias consacrés au vin n’ont pas suffisamment mis en évidence l’importance du classement des « climats du vignoble de Bourgogne » sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, depuis le 4 juillet 2015. Ils sont le berceau et l’archétype de la viticulture de terroir dans le monde. Même si la notion de terroir est contestée, voire niée, la viticulture de lieux, de « hauts lieux viticoles », est considérée comme ayant une valeur universelle. 

Beaucoup des lecteurs ou des amateurs rencontrés ne jurent que par les vins bios ou nature. Est-ce votre vision des choses ? Mieux, faudrait-il préférer un vin traditionnel bien fait à un vin bio ou nature qui manque d’intégrité ?

Les plus grands vins de terroir sont issus d’une viticulture et d’une vinification les plus proches possibles de la nature, sans intrants chimiques ou biochimiques, si ce n’est un peu de soufre, si possible naturel. Quand on demandait à Henri Jayer quel était le secret de la grandeur de ses vins, il aimait à dire : « Je laisse faire la nature ». Cela ne signifiait pas qu’il ne faisait rien, mais qu’il faisait en amont un travail à la vigne qui permettait la production de raisins à la maturité optimale des peaux et des pépins. Sans produits chimiques à la vigne et en cuverie, les raisins exprimaient la vérité du lieu ! 

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